Le fil de la vie

Publié le par Liberte d'allaiter.

Le fil de la vie

Vous avez du le remarquer, je tricote. Drôle de passe-temps pour une fille de ma génération ? Je ne sais pas, ça m'est venu tardivement (j'ai appris avec ma sœur lorsque nous étions étudiantes devant une VHS de chez Phildar, Sister, si tu me lis ...) mais pas par hasard, je pense.

J'ai toujours vu ma grand-mère tricoter. J'en ai passé des soirées chez elle (programme immuable : dîner avec soupe maison qui mijote depuis l'après-midi sur le poêle à charbon, Champs-Elysées ou La dernière séance (oui, je suis SI vieille que ça), un cornet de glace à la pause pub et dodo dans la chambre à coté de la sienne après qu'elle nous ait solidement bordées ma sœur et moi). Ce sont de bons souvenirs. Ma grand-mère est une mamie Nova (elle en a la coupe) qui a été aux petits soins avec ma sœur moi (nous sommes les aînées, elle était encore jeune). J'avais toujours droit à ma tarte aux fraises maison. Ma grand-mère n'a pas eu une vie facile, comme beaucoup de gens de sa génération. La guerre, l'alcool qui lui a pris plusieurs membres de sa famille, 6 enfants qui font sa fierté dont l'aîné lourdement handicapé. Ma grand-mère, elle m'a toujours poussée, encouragée. Pour elle, il fallait "faire des études", "avoir une situation". Depuis que j'ai 4 ou 6 ans, elle me le répétait alors que je la regardais tricoter (et que je n'y comprenais rien). Je feuilletais les catalogues Phildar et Bergère de France aux diagrammes mystérieux (avec les bouts de laine à toucher, trop bien).

Elle était fière que son second fils (mon père) qui n'aimait pas l'école, ait continué les cours du soir tout en travaillant pour aider aux études de ses frères, qu'il soit devenu ouvrier spécialisé malgré sa surdité.

Ma grand-mère, elle en a vécu des drames. Certains la trouveront amère. Je trouve qu'elle s'en sort pas mal. Aujourd’hui, c'est une vieille dame, affaiblie par la dégénérescence maculaire et l'ostéoporose qui lui ont enlevé ses aiguilles, attristée par la mort de mon père qu'elle ne peut pas admettre. Elle radote un peu, c'est vrai. Mais c'est pas grave, je suis heureuse qu'elle soit (avec mon grand-père) toujours parmi nous. Elle reste la grand-mère de mon enfance quand je la vois et surement que le tricot c'est ce qu'elle m'a transmis.

Ça me détend et je suis fière de réaliser des choses un peu jolies. J'avoues que je n'ai jamais osé lui montrer ce que je tricotais. Je ne suis pas sûre que je serai à la hauteur.

Si je réussi le pull que je suis en train de faire pour mon petit dernier, je lui ferai toucher dans un mois pour qu'elle me donne son avis ...

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A
Ce n'est pas un passe-temps si rare que ça chez une jeune maman. Je dirais même que c'est assez courant (notre envie de créer ne rejoint-elle pas le désir de donner la vie ?). Aussi : j'ai été très émue par le récit de tes souvenirs avec ta grand-mère. La mienne ne tricotait pas mais elle cuisinait et je pense souvent à elle depuis que je suis mère.
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